UN ÉTÉ AVEC JANKÉLÉVITCH – Cynthia Fleury

Un été avec Jamkélévitch - Cynthia Fleury
Cynthia Fleury
UN ÉTÉ AVEC JANKÉLÉVITCH
Éditeur : Éditions des Équateurs – mai 2023
EAN : 978-2382845653
4 out of 5 stars (4 / 5)
Nombre d’entre nous se disent actuellement nostalgiques des décennies où la terre nous supportait parce que nous étions moins nombreux et peut-être un peu plus civilisés.

Pour Vladimir Jankélévitch (revivifié) par Madame Cynthia Fleury, la nostalgie – c’est d’un point de vue général – le NON renoncement au temps qui passe, à l’irréversibilité de cette tangible réalité.
La nostalgie, par conséquent n’aurait – de ce point de vue – pas de véritables raisons d’exister.

La nostalgie nourrirait également – de manière plus spécifique – le regret d’un instant merveilleux du passé qui hante notre souvenir.

Toujours selon cet érudit qui se voulait également musicologue, la musique constitue une façon d’explorer le continuum irréversible du temps qui passe sans s’appesantir sur la douleur qui pourrait résulter de cette irrévocable réalité.

Quant à l’ennui qui voudrait habiter (si nous n’y prenions garde) nos existences, face à la transformation de notre planète, qui nous oblige – actuellement – à plus de modération, il ne saurait exister chez les âmes généreuses, conscientes de tout ce qui reste à transformer pour essayer de participer à la construction d’un monde plus apaisé.
La révocation de l’ennui – selon ce philosophe – fait donc appel à la morale non dogmatique, à l’altruisme, à l’intelligence et à la générosité.

Aussi, étudier et apprécier le traité de Madame Cynthia Fleury, c’est faire alliance ou non avec Monsieur Vladimir Jankélévitch philosophe dont notre autrice traduit ici la pensée et dont le nom est inscrit en couverture de livre.
Mais c’est aussi se souvenir d’un auteur un peu oublié, titulaire de la chaire de philosophie morale à la Sorbonne qui a « visité mon adolescence » et qui a précédé – à ce même poste – Monsieur Vladimir Jankélévitch : il s’agit du fondateur de la caractérologie française et il se nomme René Le Senne.
Tous deux professaient – me semble-t-il – le sens des Valeurs individuelles et collectives loin de toute idéologie adjuvante et « cadenassée ».

En conséquence, l’œuvre réalisée ici par Cynthia Fleury se veut peut-être un hommage ou une introduction à la philosophie de celui qui – de par son cheminement – fut surnommé « Le marcheur infatigable de la gauche » sachant qu’il faut replacer son engagement dans le creuset de l’histoire individuelle et collective de cet érudit né en 1903 en France à Bourges de parents juifs russes tous deux médecins et qui a traversé les deux effroyables guerres mondiales tout en subissant par surcroît l’antisémitisme dont il est ressorti vivant et vainqueur puisqu’il nous a quitté en 1985.

« PASSER L’ÉTÉ AVEC JANKÉLÉVITCH » revient à remonter le temps ce qui s’avère être en parfaite contradiction avec la théorie de ce philosophe mais il s’agit-là d’un retour virtuel qui fait appel à la mémoire.

Or en cet ouvrage – Cynthia Fleury – philosophe et psychanalyste de profession a accepté avec modestie de se muer en simple pédagogue pour nous donner à comprendre les fondements de la pensée d’un homme d’un autre temps… pas si lointain et dont le souvenir devrait nous inciter à vivre les journées troublées qui bousculent présentement notre quotidien en citoyens conscients de nos responsabilités.

« NE MANQUEZ PAS VOTRE UNIQUE MATINÉE DE PRINTEMPS » cette phrase qui nous obsède par son évidence et son étrangeté s’appuie sur un monème en douze lettres que Monsieur Vladimir Jankélévitch a lui-même inventé, il s’agit de la « PRIMULTIMITÉ » c’est-à-dire de ce qui n’arrive qu’une première et dernière fois, soit la totalité des instants se succédant au cours de notre vie terrestre… car pour preuve d’humilité, il nous faut bien reconnaître qu’il nous est pour l’instant impossible de remonter le temps.
Cette phrase s’impose à nous d’abord comme une injonction issue d’une autorité hiérarchique supérieure, un ordre donc à ne pas enfreindre ?!…
Puis elle s’inscrit aussi comme un NON retour de l’ineffable qu’il nous faut savoir saisir avant qu’il ne s’enfuit.
Enfin elle sonne le perpétuel renouvellement de l’accomplissement de l’être en devenir d’advenir avant la note finale quand il faudra partir, elle nous invite donc à agir avant qu’il ne soit trop tard.

Cette phrase (repensée par Cynthia Fleury) s’inscrit dans l’ouvrage de JANKÉLÉVITCH « JE NE SAIS QUOI ET LE PRESQUE RIEN ».

Ainsi, rien ne semble interrompre la créativité littéraire de Madame Cynthia Fleury et surtout pas l’adversité qui nous confronte aujourd’hui à une variation de nos comportements individuels et collectifs en raison des résultantes géopolitiques dont les paramètres restent -pour la plupart – imperméables à notre appréhension du monde qui nous entoure quels que soient les « outils » utilisés pour désarçonner notre ignorance.

Alors pourquoi ne pas se laisser subjuguer par la prose de la réalisatrice de cet essai sachant que le passé ne reconduit pas le passé mais que Monsieur Jankélévich nous a laissé en héritage des instants de lueurs divines à saisir pour simplement exister et AGIR avec courage et justesse à chaque instant entre un avant et un après tous deux indéfinissables.

Si le livre de Cynthia Fleury peut nous servir de guide pour aborder ce philosophe accusé de désuétude à son époque mais finalement plus vraisemblablement VISIONNAIRE, il serait intéressant de lire aussi le manuscrit de Monsieur Vladimir Jankélévitch (déjà cité) : « JE NE SAIS QUOI ET LE PRESQUE RIEN » ainsi que « LE TRAITÉ DES VERTUS » du même auteur, ouvrage dans lequel Jankélévitch semble replacer les limites de la morale qui devient dogmatique lorsqu’elle fige l’être humain dans une rationalité de surface indépendante du contexte dans lequel le sujet doit faire preuve de subtilité, de courage, de créativité, d’Amour et de liberté pour justement dépasser l’espace binaire de la morale « ordinaire », close et/ou radicalisée.

En cet essai bien structuré, Cynthia Fleury parvient à faire preuve de pédagogie pour nous présenter un philosophe refusant toute idéologie dogmatique puisqu’ayant opté pour une morale PARADOXALISATRICE.

Mais pourquoi Cynthia Fleury a-t-elle choisi la saison estivale pour nous inviter à « VÉRITABLEMENT » appréhender l’œuvre de Monsieur Vladimir Jankélévitch qui finalement prône une morale JUSTE stimulant des agissements opportuns pour chacun des instants qui déterminent notre existence terrestre.
À mon avis les quatre saisons n’y suffiront peut-être pas… et nous resterons – pour certains – jusqu’à la dernière note sur ce qu’il est convenu de nommer « L’INACHEVÉ »…

Béatrysse Dartstray