VIVRE AVEC SON PASSÉ, UNE PHILOSOPHIE POUR ALLER DE L’AVANT – Charles Pépin 

Vivre avec son passé, une philosophie pour aller de l'avant - Charles Pépin
Charles Pépin
VIVRE AVEC SON PASSÉ – UNE PHILOSOPHIE POUR ALLER DE L’AVANT
Éditeur : Allary – septembre 2023
EAN : 978-2370734587
Philosophe, écrivain, poète, conférencier… Charles Pépin multiplie les rencontres livresques et audiovisuelles pour nous permettre d’accéder aux divers concepts des plus grands penseurs de l’humanité. Le livre dont il est ici question consiste en une réflexion sur la nécessité d’adopter son passé pour franchir avec lui les différentes étapes de nos existences terrestres. Agrégé de philosophie Monsieur Charles Pépin n’apprécierait peut-être nullement l’interprétation que j’ose ici inscrire concernant cet ouvrage qui m’apparaît merveilleusement informatif poétique et thérapeutique. Cependant les concepts mis en exergue par les sonorités qui ponctuent l’aspect syntaxico-sémantique de cette œuvre doivent offrir à chacun d’entre nous des résonances diverses, c’est pourquoi la présentation, ci-après, de cet « essai » ne consiste pas en un résumé mal agencé de l’écrit en question mais demeure un espace d’expression, une restitution LIBRE de ce qu’il m’a semblé appréhender suite à la lecture de ce « recueil de pensées ».DE NOMBREUSES ASSERTIONS PROVENANT DE LA RÉFLEXION DE L’AUTEUR NOTAMMENT SUR LES THÉRAPIES DE RECONSOLIDATION SERONT DIRECTEMENT RETRANSMISES SANS REFORMULATION SUR L’AXE SYNTAXICO-SÉMANTIQUE DU LANGAGE.

S’il nous est impossible de revivre nos années qui s’écoulent à l’âge où elles constituaient le présent, de retourner physiquement dans l’espace/temps des années déjà habitées par notre présence, il nous faut bien admettre que nous nous réalisons dans un continuum chargé d’un passé récent mais également très lointain dont nous devons assumer la charge et la responsabilité.

Les souvenirs larmoyants, et/ou plus ou moins joyeux voire exaltants s’introduisent à chaque instant dans le champ temporel évolutif de notre existence terrestre, s’immisçant pour surgir parfois de manière impromptue avec une intensité et une modalité insoupçonnées.

Par conséquent selon le concepteur et réalisateur de cet ouvrage largement inspiré de la pensée bergsonienne et des neurosciences validées aujourd’hui (concernant la mémoire), il est essentiel d’accéder à notre passé pour poursuivre notre cheminement terrestre avec allant et harmonie.

Selon l’intuition de Bergson réitérée par Charles Pépin et validée par certains neuroscientifiques actuels : « notre passé persiste indéfiniment dans notre mémoire mais pas de manière figée ; il évolue avec nous, se modèle au présent en fonction de nos expériences de vie et de la manière dont nous investissons notre avenir. La mémoire constitue le socle de notre identité qui se transforme au fil des années en fonction des expériences et des connaissances qui viennent se surajouter. »

Lorsqu’un travail intensif de réminiscence n’est pas effectué chez l’être humain en état de souffrance psychique, le moindre obstacle rencontré sur la route de la continuité existentielle permet aux souvenirs de ressurgir dans un chaos indescriptible qui paralyse les agissements immédiats.
L’action ne peut se concrétiser que grâce à la mémorisation sélective des expériences du passé.

Toujours selon l’auteur de cet ouvrage si Bergson ne concevait que deux types de mémoire : la mémoire souvenir retraçant nos expériences de vie et la mémoire habitude nécessitant un apprentissage, les neurosciences précisent et approfondissent l’intuition de Bergson concernant notre capacité à refaire surgir les expériences, et les apprentissages du passé. À ce propos 5 types de mémoires sont évoqués.
Ils se déclinent de la sorte :

– Mémoire épisodique,
– Mémoire sémantique.
– Mémoire procédurale,
– Mémoire de travail,
– Mémoire sensorielle.

– La Mémoire épisodique (selon les travaux de Larry Squire et Éric Kandel ?) NE CONNAÎTRAIT AUCUNE LIMITE et constituerait un rappel réinterprété de notre historique, constituant un agrégat mouvant sans cesse alimenté par de nouveaux souvenirs.
Dans ce contexte le ressenti comme la peur liée à l’instinct de survie nous transporterait parfois – dans un parcours mnésique fulgurant – à des milliers d’années en arrière.
Un exemple concret explicite aisément cet argument : lorsqu’un craquement de bois (perçu à une époque fort lointaine) indiquait la présence d’un prédateur qu’il valait mieux ne pas rencontrer, la peur s’invitait alors en corrélation avec la dite situation, or ce même craquement nous maintient encore aujourd’hui « sur nos gardes ».

Toujours d’après Squire et Kandel les centres mnésiques sur la carte géographique du cerveau ne se trouvent pas situés de manière UNILATÉRALE au niveau de l’hippocampe et des lobes temporaux reliés eux même par des milliards de neurones associés à leur synapses formant des réseaux de communication.
D’autres centres cérébraux participeraient dans le même temps à l’ancrage d’un souvenir.
Différentes zones cérébrales s’échangent donc des informations qui se croisent et se recroisent tissant le souvenir à encoder.
Toujours selon Squire et Kandel.
L’encodage mnésique est alors DÉFINITIF quelles que soient les altérations portées sur les zones concernées et le souvenir demeure ?!…
Cette affirmation qui ne parvient pas à me convaincre aujourd’hui – lorsque l’on connaît les possibilités de récupération et/ou de stabilisation chez les patients ayant subi un grave traumatisme crânien ou chez ceux qui sont porteurs d’une maladie neuro-dégénérative – serait peut-être recevable en théorie si nous exploitions bien notre cerveau à 100% de ses capacités, ce qui n’est pas encore le cas actuellement.
Ces données n’apportent – à mon avis – rien de très novateur si ce n’est l’élargissement du champ opératoire de la mémoire et l’existence de souvenirs CONSCIENTS ou NON rendus inaltérables par les croisements de flux neurologiques qui s’entrecroisent sur une cartographie cérébrale qui peut apparaître EN THÉORIE pratiquement « illimitée » permettant ainsi la fixation mnésique terminale accessible ou non par le sujet concerné ?!…

Par contre… [si l’on revient au sujet non assujetti à une pathologie d’ordre neurologique] …en nous souvenant, nous réactivons effectivement des réseaux de communication mais jamais de la même manière.
Le souvenir est reconfiguré par ce que nous avons vécu depuis le souvenir du présent INITIAL jusqu’à la situation actuelle.
Notre cerveau est donc en continuelle modification et Monsieur Charles Pépin de s’exprimer de la sorte : « notre cerveau… se modifie en permanence et nous pouvons toujours le transformer à nouveau, nous pouvons remodeler ce qui a été formé.
Nous avons beau avoir été affecté par une expérience négative, voire traumatique nous verrons qu’aucun souvenir, aucun passé ne nous colle un destin dans la peau. » Cette argumentation tendrait donc à prouver que le libre arbitre (aussi infime soit-il) pourrait parfois illuminer notre existence terrestre.

Cependant, l’imagination qui peut s’introduire dans ce mouvement de reconsidération du souvenir rend l’interprétation de ce dernier non entièrement fiable.
Il serait pourtant dommageable de ne pas l’intercepter avec circonspection afin d’en tirer des informations indispensables à notre évolution.

Selon l’auteur de cet ouvrage « le sens que nous donnons à ces traces mnésiques dépend des idées et des valeurs que nous leur associons, c’est le rôle de la mémoire sémantique »

Ainsi ces nouvelles découvertes neuroscientifiques permettent de corroborer l’intuition spiritualiste de Bergson qui s’exprimait ainsi : « Nous ne savons pas vraiment où se trouvent nos souvenirs ».

– La mémoire sémantique
La mémoire sémantique, toujours selon notre auteur, s’élabore à partir du langage, par l’intermédiaire des monèmes et de la syntaxe qui nous permettent de nommer et d’interpréter le réel.
Elle englobe l’ensemble des idées, des jugements et des connaissances acquises et reconstruites au cours de l’existence.
La mémoire sémantique est codée de manière explicite ou implicite nous explique Charles Pépin.
Il peut en effet advenir qu’une expérience malheureuse répétée, un échec réitéré dans un domaine spécifique ayant été à l’origine faussement interprété par le mode opératoire de la mémoire sémantique conduise le sujet à opter pour une sous-estime de soi alors que ces échecs peuvent être – par exemple – interprétés comme des périodes transitoires nécessaires à l’apprentissage.

Il nous est donc possible de rectifier ce faux jugement en appréhendant le dérapage initial.
S’il n’est pas envisageable d’effacer les souvenirs de notre mémoire épisodique, les modalités pour juger un évènement interprété dans la mémoire sémantique peuvent être réévaluées.

Bien qu’elle procède de la mémoire épisodique et siège également dans l’espace médian des lobes temporaux, la mémoire sémantique ne se positionne pas de la même manière au niveau des sphères du cerveau concerné et surtout se singularise par un fonctionnement complètement différent.
Parfaitement autonome, elle réagit selon des règles qui lui sont propres.

– La mémoire procédurale.
Toujours selon l’auteur de ce livre, c’est la mémoire de nos habitudes et réflexes.
Elle nous permet d’effectuer des actions complexes (conduire une voiture) sans même être conscients des gestes et des facultés que nous mobilisons.
Les premiers apprentissages par la multitude de mouvements et de séquences mille fois répétés s’inscrivent dans le cadre de la mémoire procédurale, libérant des espaces pour vivre dans le même laps de temps des expériences automatisées ou non expérimentées.
La mémoire procédurale n’est pas localisée dans l’hippocampe ou les amygdales. Le cervelet, les ganglions de la base et le cortex moteur fixent ces schémas automatiques.
Mémoires épisodique, sémantique et procédurale constituent les trois mémoires utilisées dans la vie quotidienne lorsque le cerveau a atteint un certain niveau opérationnel.
La plupart des zones du cerveau arrivent au plus tard à maturité à l’âge de 25 ans.
Ces trois mémoires de long terme nous permettent d’investiguer et de retraiter le passé.
Ces mémoires sont aussi réactivées par les mémoires de court terme : mémoire de travail et mémoire sensorielle.

– Mémoire de travail (mémoire immédiate et/ou moyen terme.)
Cette faculté mnésique trouve son fondement dan sa capacité à « épingler » une information utile dans l’instantanéité (le stockage des données ne dépassant pas 60 secondes » ?!…)
La mémoire de travail se comporte comme la mémoire vive d’un ordinateur.
En ce qui concerne la mémoire. immédiate, pendant 30 secondes ou une minute, nous faisons consciemment abstraction de la mémoire à long terme pour nous concentrer par exemple sur les 10 chiffres d’un numéro de téléphone. Les capacités de stockage de cette mémoire immédiate sont très faibles : 7 éléments en moyenne appelés ampans sont immédiatement enregistrés et non maintenus dans cet espace indispensable à l’exécution de certaines tâches particulières, ils peuvent perdurer si le transfert s’effectue en mémoire à long terme.
La mémoire de travail permet également ( à moyen terme) lorsque l’on se trouve en situation psychanalytique ou avec un ami… d’aller chercher dans la mémoire épisodique des souvenirs qui peuvent être retravaillés, cet instrument mnésique peut nous permettre de reconsidérer un évènement (conçu dans le passé comme un échec) pour le réévaluer et décider en fonction de nos nouvelles expériences et connaissances actualisées que cette situation vécue auparavant comme négative devienne dans le présent immédiat source d’enrichissement de part la nouvelle analyse révisée, analyse qui va rejoindre la mémoire sémantique à (long terme) et apporter une connotation plus heureuse au sein de la Psyché.

– Mémoire sensorielle.
La mémoire sensorielle n’est pas une mémoire de stockage à long terme, elle enregistre en un laps de temps extrêmement limité (sensiblement une seconde?!…) l’ensemble des perceptions issues de notre environnement.
Ces données lorsqu’elles apportent une émotion forte ou une indication utile pour l’avenir basculent dans la mémoire de travail puis – pour certaines – dans la mémoire à long terme.

Ces 5 mémoires fonctionnent de concert pour comprendre le passé et définir ponctuellement le présent immédiat, il faudrait donc avoir accès à la mémoire des expériences vécues antérieurement concernant notre passé :

– très lointain : « influence de la géographie et du milieu naturel »,

– Lointain : « histoire des mouvements sociaux, des migrations humaines, des idées »,

– Du temps court et/ou moyennement long : « correspondant à l’agitation des hommes, à leurs humeurs, à leurs passions, celui des évènements qui se présentent eux-même dans l’espace/temps d’un présent chargé des instances des 5 mémoires évoquées. »

Ainsi notre mémoire nous aide à construire notre identité.
Reconfigurer son passé lorsque ce dernier fut imprégné de traumatismes violents et/ou répétés n’est pas la seule solution.
À l’instar de David Bowie nous pouvons en faire – en partie abstraction – le fuir… pour accéder à un avenir plus brillant même si ce passé parvient à s’inviter par surprise provoquant des résonances à la mesure de ce que nous avons souhaité oublier mais qui inscrit dans la mémoire épisodique n’a pas été retravaillé.
La vie presque « surréaliste » de l’artiste précité ne fut pas exempte de drames répétés et dépassés par une fuite en avant pour inventer et réinventer l’avenir.
Malheureusement nous ne possédons pas toutes et tous l’énergie et l’imagination créatrice de l’icône du glam rock des années 70/80, cependant nous avons nous aussi la possibilité d’opter pour une attitude un peu plus détachée de nos souvenirs pour aborder notre DEVENIR.
Pour certains ayant connu des expériences antérieures d’une extrême violence physique et/ou psychologique , « oublier » POUR UN TEMPS son passé constitue une question de survie.
Cependant quoiqu’il advienne le passé se manifeste de manière sous-jacente et vouloir le renier définitivement consiste en une démarche induisant – selon les cas – épuisement, irritabilité, agressivité voire burn-out et/ou somatisations.
Le processus d’évitement, s’il peut apparaître moderniste, s’avère – à long terme – dangereux.

Ainsi l’esprit qui se veut moderniste semble défier les expériences qui ont déjà été vécues pour se propulser vers l’avenir avec l’insouciance et la volonté de trouver le bonheur.
Cette idéologie qui nous invite à ne pas ruminer le passé, nous la retrouvons dans certaines théories du développement personnel axées sur le positivisme.
Ses antagonistes (listés parmi les thérapies aussi différentes que la psychanalyse et les thérapies comportementalistes et cognitivistes) soulignent la dangerosité d’une telle proposition.
Pour Charles Pépin accueillir son passé et se réconcilier avec les éléments traumatiques qui lui sont associés constituent le cheminement le plus adapté pour « aller de l’avant ».

Bergson, le philosophe de la mémoire, nous incite à habiter notre passé dans le présent de chaque instant.
Notre volonté devient véritablement réalisatrice lorsque nous entreprenons quelque chose qui correspond à notre histoire et à notre identité.
Dans l’évolution créatrice Bergson s’exprime ainsi : « sans doute nous ne pensons qu’avec une petite partie de notre passé, mais c’est avec notre passé tout entier y compris NOTRE COURBURE D’ÂME originelle que nous désirons, voulons, agissons.
Si nous n’étions pas une part même du mouvement de la Vie, nous serions soit pétrifiés dans l’action soit répétitifs et la créativité ne saurait émerger.

Selon Bergson, la vie serait : »un mouvement en avant continuel qui ramasse la totalité du passé et crée le futur, telle est la Nature essentielle de la personne.
Puisque l’élan vital anime l’univers, toute vie, même la plus petite, dès qu’elle actualise cet élan vital lui donne forme et à travers sa propre créativité devient une vie divine. »

« L’élan vital se particularise en chacun de nous et en ce sens nous manifestons tous une part de cette vie de cette force métaphysique que Bergson qualifie de divine » déclare Charles Pépin.

D’après mon entendement il existe une contradiction entre la pensée de Bergson à propos du déterminisme de l’être humain et celle de Charles Pépin.
Selon la position de Bergson retraduite par l’auteur de l’ouvrage dont il est ici question, nous serions déifiés lorsque nous acceptons d’actualiser l’élan vital qui nous anime. Alors que Charles Pépin finalement traduit dans son assertion une vision qui me paraît être beaucoup plus spinoziste ? Selon Spinoza nous ne sommes pas des « divinités » en éventuel devenir mais des modes des manières d’être de la Substance divine, de la Nature, dans laquelle nous serions inclus, tout homme quel qu’il soit établit un réseau de liens l’unissant à la NATURE toute entière cet élan vital en fonction de la mémoire de notre passé (réactualisé ou non) définit notre devenir terrestre systématiquement spiritualisé puisque quels que soient nos choix de Vie nous ne serions que des modes de la substance divine.
Cependant, pour Bergson comme pour Spinoza cet élan de Vie qui nous anime doit nous pousser à la générosité et à l’altruisme. Nous appartenons à un tout dont nous sommes solidaires, « il nous est alors plus facile, lorsque nous nous sommes réconciliés avec notre passé, de prendre notre histoire à bras le corps pour l’inscrire dans un récit plus vaste ».

Cependant nous avons pour certains subi des traumatismes qui nous condamnent à la déception, à la rancœur, à la rumination, et/ou à la renonciation.
Dans certains cas, l’aide d’un thérapeute s’avère indispensable pour réactualiser de manière salutaire un évènement issu du passé qui paralyse notre parcours terrestre.

Les thérapies de reconsolidation permettent aux patients – sous la guidance d’un thérapeute accompli – de rappeler la trace des souvenirs traumatiques – en réveillant les sensations physiologiques (stress, panique, tremblements, ayant provoqué des réactions similaires.
Ces souvenirs issus de la mémoire épisodique mais retraduits par la mémoire sémantique initiale seront retravaillés en mémoire de travail puisque le thérapeute va demander au patient d’écrire « la nouvelle règle de vie » édifiée face aux situations difficiles qui ont occasionné les troubles physiques et/ou psychiques.
La mémoire épisodique perdurera mais la mémoire sémantique grâce à l’analyse de la situation du passé sera revisitée apportant une rectification salutaire à l’entendement du traumatisme initial.

Cette possibilité de revenir sur nos souvenirs en en retirant une interprétation plus adéquate allégée des émotions qui surchargeaient notre mémoire prouve la plasticité de notre cerveau.
En conséquence – selon Charles Pépin, » nous n’avons aucune raison d’adhérer à une vérité émotionnelle qui nous gâche la vie »…

La deuxième technique de reconsolidation est une technique d’habituation à nos souvenirs issue du stoïcisme.
Sénèque, Épitecte, Marc Aurel préconisaient, déjà il y a 2000 ans, une méthode pour restructurer l’interprétation sémantique négative reliée à nos souvenirs malheureux provenant de notre mémoire épisodique.
Cette technique consistait en une méditation régulière sur la construction du champ opératoire émotif secondaire au traumatisme subi.
Cette technique intervenait de manière indirecte sur la modification de la signification initiale associée au souvenir.

Parfois un souvenir post-traumatique ne peut être travaillé de manière autonome par la technique de la méditation tant ce dernier s’avère déstabilisant.
L’aide du thérapeute est alors nécessaire.
la technique EMDR est une thérapie qui vise à traiter les conséquences d’un traumatisme psychique en associant rappel mental, par le patient, du souvenir traumatique et stimulations sensorielles bilatérales alternées avec des mouvements oculaires induits par exemple en demandant au patient de suivre les mouvements des doigts du thérapeute.
Cette thérapie courte permet à certains patients la réminiscence de souvenirs impossibles à rappeler auparavant tant leur potentiel émotionnel était invalidant.

La méthode Alain Brunet (chercheur en psychologie au Canada) utilise également la technique de l’habituation pour traiter les patients ayant survécu à un choc traumatique psychologique impossible à surmonter en situation d’autonomie volontaire.
Pendant les 6 séances de la méthode Brunet le patient est invité à raconter avec le plus de détails possibles la scène qui a déclenché le traumatisme initial.
Cette remémoration des faits ne peut s’effectuer qu’en ayant pris auparavant un bêta-bloquant (le propranolol) agissant sur l’amygdale et atténuant fortement l’émotion reliée au souvenir.
Les bénéficiaires de cette thérapie – lorsque cette dernière conduit à un rétablissement d’une vie normalisée – expliquent se rappeler des faits douloureux ancrés dans la mémoire épisodique sans en supporter la charge émotionnelle invivable, ils sont donc en mesure de poursuivre leur route avec ce passé qu’ils peuvent reconsidérer de manière beaucoup plus distanciée.

Il existe une autre forme de thérapie permettant de réanimer le souvenir pour en modifier la charge négative émotionnelle.
Il s’agit des techniques de reparentage appelées également la thérapie des schémas.
Il s’agirait ici de soigner l’enfant qui a mal vécu la première étape de sa vie mais qui peut guérir spontanément lorsque les circonstances de son existence d’adulte sont en mesure de lui prouver qu’il est digne d’être aimé et que l’enfant dévalorisé dans le passé peut se reconstruire différemment.
Dans le cas contraire le thérapeute réactive une scène du passé issue de la mémoire du patient et fait intervenir, dans les dialogues, le consultant avec un personnage imaginaire bienveillant qui va remplacer la mère ou le père qui n’étaient pas dans leur fonction parentale à ce moment du passé.
Cette technique a fait ses preuves car le cerveau émotionnel ne fait pas vraiment la différence entre une expérience vécue et une expérience imaginaire. Si d’un point de vue rationnel le patient ne confond pas les deux scènes. Par contre ce qui a été vécu dans le passé et la séquence imaginée se confondent dans la zone limbique du cerveau.
Le patient – dans ce cas – doit retrouver son enfant intérieur et utiliser la figure parentale idéale proposée par le thérapeute pour réconforter ce dernier. (La figure parentale peut être le patient lui-même).
Freud est le pionnier en matière de réminiscence du souvenir douloureux pour devenir conscient de ce qui nous a accablé mais il ne nous a pas donné la solution pour réparer ce passé invalidant.

Depuis la psychanalyse a évolué, les psychanalystes prennent des notes, interviennent sur un propos pour le faire résonner, ou un rêve qui les a interpelés… Ces analystes scrutent les progrès des neurosciences pour les utiliser dans leur recherche et dans leur pratique.

Très souvent nous nous souvenons des aspérités du passé et nous avons quelque peu oublié les moments heureux il faut eux aussi les retrouver et les reconsolider.
Le risque est que les souvenirs joyeux appartenant au passé et réalimenté par le cheminement de notre mémoire apporte une nostalgie comme le prétend Jankélévitch cependant il s’agit ici non d’entrouvrir une fenêtre sur ses moments heureux mais de s’y attarder.
Néanmoins, retrouver les jolis souvenirs vécus nous invite également à recueillir les situations tristes qui leur sont associées ? Il s’agira donc de sélectionner les réminiscences agréables du passé pour parvenir à les apprécier.

Pour quelques uns d’entre nous revenir (toujours selon Monsieur Charles Pépin) physiquement sur les lieux d’un passé joyeux peut reconduire au bonheur d’avoir existé en cet espace jugé auparavant merveilleux mais cette conduite (selon mon humble avis) peut – dans certaines circonstances – s’avérer désastreuse… Il faudra alors comme l’auteur de cet ouvrage le suggère effectuer un retour à la mémoire de travail puis à la mémoire sémantique afin d’accueillir nouvellement ce lieu reconfiguré par le mouvement du cycle temporel terrestre, sachant que – l’espace/temps joyeux demeure toujours au cœur de la mémoire épisodique et qu’il nous est donc possible – après une méditation autonome et/ou accompagnée de le rejoindre (par un rappel mnésique) pour goûter à nouveau le plaisir de ce lieu délicieusement engrammé dans la psyché.

Pour l’auteur de ce livre la mémoire s’inscrit d’abord dans l’espace avant de s’inscrire dans le temps.
Dans l’antiquité les orateurs apprenaient leurs discours en déambulant dans les villes la campagne les maisons et les palais somptueux pour ponctuer et mémoriser le tempo de leurs développements oratoires.

Une autre manière d’aller de l’avant avec l’expérience de son passé serait d’apprendre à se constituer de merveilleux nouveaux souvenirs pour élargir son champ de conscience et sa joie d’exister.

L’alcoolique atteint du syndrome de Korsakoff, qui pour annihiler son angoisse, la neutralise, pour un bref instant, en portant un verre à ses lèvres puis un autre n’a sans doute pas conscience qu’il crée une brèche dans sa mémoire antérograde l’obligeant à vivre dans un passé qu’il essaie de fuir en abusant de l’alcool.

(Toujours selon notre essayiste ici convié), pardonner constitue également un exercice thérapeutique permettant l’évitement de la rumination et ouvrant les portes d’une nouvelle liberté, d’une nouvelle place à la créativité.
Cynthia Fleury (dans son livre : ci-gît l’amer : guérir du ressentiment) explique fort bien le mécanisme de la rancune qui nous enferme dans un passé révolu mais toujours réactualisé et/ou amplifié créant un blocage pour accueillir les nouveaux mouvements épanouissants de l’existence. Le pardon nous permet de revenir vers l’autre pour lui offrir ce cadeau qui nous renvoie à nous-même, à notre propre existence enrichie de la joie profonde d’avoir accepté de faire ce geste de pardonner.
Pardonner n’est pas oublier mais s’alléger du poids du ressentiment pour avancer vers son avenir.
Selon Charles Pépin nous ne pourrions opter pour ce geste si nous n’avions pas reçu notre lot de consolation ?

Hannah Arendt a perçu cette force incommensurable du pardon, il nous absout pour nous permettre d’avancer.
Le pardon permet de se libérer de la culpabilité pour l’offenseur et du tort pour l’offensé.

Avant le grand passage, le pardon est indispensable pour le défunt et ceux qui lui survivent.
La mort est d’abord un choc, une sidération pour ceux qui demeurent.
Le deuil se fera dans le temps et les expériences vécues avec celui ou celle qui nous a accompagné pourront être utiles à la construction de l’avenir car le passé ne meurt pas et les dialogues intérieurs peuvent se poursuivre, il suffit de les alimenter.
Dans son très beau livre : « Comment vivre avec nos morts » Delphine Horvilleur Rabbine et essayiste nous explique que nous pouvons perpétuer la mémoire vivante du défunt, prolonger le dialogue avec lui, changer sa mort pour une leçon de vie pour ceux qui restent, tout cela esquisse la manière dont nous pouvons nous aussi vivre avec nos morts sachant bien qu’ils ne reviendront pas.

Ainsi selon Monsieur Charles Pépin trois mouvements sont nécessaires pour aller de l’avant.
Se tourner vers le passé pour l’accueillir sereinement, envisager l’avenir afin de l’inviter joyeusement et non de l’éviter imprudemment et enfin – présentement… et avec gratitude – s’ouvrir aux autres et au monde… mais la Vie nous apprend que ces trois mouvements n’en font qu’un seul.
Alors riche de notre passé et inventeur de notre devenir nous allons de l’avant portés par le courant de la Vie qui anime l’univers au sein duquel nous sommes déjà définitivement inclus.

Béatrysse Dartstray